L’Arche de Saunier

Grenoble Amitié Nature - Club de montagne omnisports

L’Arche de Saunier

Pour ce dimanche de printemps j’avais décidé de parcourir une Sombarderie assez particulière. En effet, je cite Pascal Sombardier lui-même « L’accès à l’arche de Saunier est l’un des plus « casse-tête » qu’on puisse imaginer […] La « rando » que j’évoque ici n’utilise aucun chemin (plutôt des traces de chamois). Elle évolue dans des terrains très raides et souvent escarpés […] Je pense donc inutile de livrer un topo pour ce qui restera de toute façon l’affaire de montagnards expérimentés capables de trouver leur voie au mieux. »

Avec une telle présentation, je m’attendais à ne trouver que mes complices habituels, des amis que ne découragent pas : les galères, le cheminement « sanglier », les zones escarpées, les recherches d’itinéraire et pour tout dire les sorties qui se promettent d’être foireuses. C’est le genre d’itinéraire à faire à 3 ou 4. Aussi quelle fut ma surprise de voir la liste des volontaires s’allonger brutalement la veille de la course. Je n’ai pas eu le temps de réagir que nous étions 13 ! Avant de démarrer j’avertis tous ceux qui ne sont pas habitués à sortir avec moi que j’allais très probablement me faire maudire dans quelques heures car cette sortie avait toutes les allures d’une grosse galère.

L’itinéraire, en bleu.

Nous démarrons à 9h et il fait déjà déjà chaud. Nous remontons une piste et dès que nous la quittons, au bout de 10 minutes, il nous faut monter dans la forêt au jugé dans une pente très raide en terre dans laquelle il n’y a aucune trace. Nous remontons jusqu’à buter au pied des falaises et là ce n’est guère plus simple car il n’y a toujours pas de trace, les pentes sont raides, quelques couloirs ont arraché le peu de terre, nous cheminons dans des pentes d’herbes raides. Sombardier avait conseillé de prendre un casque et il a très bien fait car sous les falaises tout peut arriver et de fait nous avons dû déranger un chamois car à un moment une pluie de gravier nous tombe dessus heureusement sans mal, même si Monique en reçu une pierre sur le genou. Quelques passages sont scabreux, pas vraiment dangereux mais toujours raides et inconfortables : c’est la progression « sanglier » que j’avais promise au départ. Nous poursuivons au pied des falaises dans les pentes, en passant sur et sous les arbres, en se cramponnant à ce qu’on trouve, mais bizarrement dans la bonne humeur, je ne me suis pas encore fait insulter loin de là, tout le monde a l’air d’être ravi de circuler dans un milieu totalement improbable dans une nature sauvage et vierge.

Cliquer sur les images pour les avoir en grosse définition.

La piste au départ.
Petite pause en arrivant au pied de la falaise.
Nous suivons le pied de la falaise. Parfois facile.
Certains jouent les chamois.
Mais ça monte.
Le pied de la falaise est souvent herbeux …
… mais raide et sans trace.
Franchissement de quelques ravinements.

Je surveille attentivement le relief car il nous faudra traverser cette barre de falaise qui a toutes les allures d’être imprenable ; il faut trouver le passage clé que Sombardier appelle « la vire à 4 pattes ». C’est une courte vire, dans le sens inverse du cheminement, permettant d’éviter une zone très raide et infranchissable en contournant un pilier. Passage amusant. De l’autre côté de la « vire à 4 pattes » on trouve des pentes très raides mais sans difficulté ; le problème, dû à la taille du groupe, étant d’éviter les chutes de pierre. Ces pentes nous amènent à une belle plate forme sur laquelle on se repose un instant. Au-dessus il y a ce qu’on appelle « l’escalier » une petite escalade facile dans des gradins avec un petit pas d’escalade au sommet et nous voilà au milieu de la barre de falaise.

Après un pilier, on se rapproche de la falaise vers la vire à 4 pattes.
Nous voilà à la fameuse vire.
A 4 pattes effectivement !
La sortie de la vire à 4 pattes.
Juste après la vire.
On monte droit dans la pente.
Pause avant d’attaquer « l’escalier ».
C’est une série de gradins raides,
avec un pas d’escalade à la fin.
Nous voilà au milieu de la falaise, mais nous sommes dubitatifs. La suite c’est où ?

De là, on peut se poser la question de savoir comment on va se sortir de ce piège. Tout autour, dessus, dessous, à gauche, à droite ce ne sont que pentes très raides, des barres, souvent en rochers instables.

En regardant attentivement, on devine une vire plus ou moins horizontale qui traverse un cirque. Vue d’en face, la troupe est dubitative, on voit bien une vague trace qui traverse le cirque mais vu la falaise dessus et dessous on se demande s’il est raisonnable de passer par là. Je rassure tout le monde et effectivement la petite sente est suffisamment marquée pour que cette traversée se passe sans problème, évidemment en restant très attentif. Cette traversée nous amène directement à l’arche de Saunier et à une bonne plate forme où nous faisons notre repas de midi.

Descente vers le cirque.
On s’engage sur la sente (de chamois).
La traversée du cirque, vue de l’arrière.
Pas difficile, mais on reste concentré.
En sortant du cirque, il faut passer sous ce rocher.
Après ce pierrier, nous arrivons à l’arche.
L’arche perce les rochers au fond (on l’entrevoit).
L’arche de Saunier.

Je suis pas mécontent, cette partie complexe et engagée de l’itinéraire a été franchie sans hésitation ni erreur, le moral est au beau fixe. On pense être sortis des difficultés mais la suite s’avère tout aussi compliquée même si elle est moins engagée. En effet il nous faut encore remonter près de 300 m de dénivelée dans un relief complexe fait de petites barres et de pentes raides dans un épais tapis de feuilles mortes. Effectivement comme le dit Sombardier, il faut un sérieux sens de l’itinéraire pour trouver un bon cheminement. Une fois au-dessus de la falaise, nous voyons de loin la piste qui sera le chemin de sortie mais d’abord nous voulons atteindre les plate-formes des charbonniers qui sont l’un des intérêts de cet itinéraire ; ces pentes improbables ayant été parcourues longuement par des charbonniers dont l’activité semble s’être poursuivie jusque dans les années 1960. Nous trouverons assez rapidement une belle plate-forme et de là nous faisons un petit sondage pour savoir si nous allongeons cette randonnée pour aller visiter 3 petites arches en contrebas.

Après l’arche on gravit des pentes raides,
puis on circule entre de petites barres rocheuses dans un épais tapis de feuilles mortes.
L’itinéraire n’est pas évident mais la progression est agréable.
De barre en barre, on se rapproche du haut.
Un dernier passage raide nous amène sur la falaise.
Il nous reste à trouver les plate-formes charbonnières.
Nous voilà sur l’une de ces plate-formes.

Pour trouver les trois arches supplémentaires, il faut descendre et chercher, dans cette géographie torturée et complexe, où peuvent bien se trouver les arches en question. Nous trouverons assez rapidement l’arche principale et nous partons à la recherche des deux autres. C’est alors que nous voyons un groupe. Nous remontons jusqu’à une zone plus facile et nous attendons que ce groupe nous rejoigne, il est quand même étonnant de trouver qui que ce soit dans un environnement aussi complexe et hostile dans lequel il n’y a aucun accès. Il s’avère que c’est Pascal Sombardier en personne et quelques amis qui sortent d’une variante du « pas de l’aire » qu’ils viennent de rééquiper.

Surprise, cela faisait des années que j’espérais rencontrer Pascal Sombardier un jour et voilà que l’occasion se présente dans l’endroit le plus improbable qui soit ; mais peut-on rencontrer Pascal Sombardier ailleurs que dans un endroit improbable ? Nous discutons un moment et j’ai l’agréable surprise de constater qu’il connaît les articles du Gan, au moins ceux qui parlent des voies Sombardier que nous avons faites.

A la recherche de l’arche perdue.
Voici la première.
Amplement photographiée.
Voici la deuxième.
Deuxième arche.
Enfin l’arche double.
Est-ce une baume ? une grotte ? une arche ?
Rencontre improbable :
Mr Pascal Sombardier himself !
Discussion avec P. Sombardier.
Nous sommes enchantés par cette rencontre. Et il connais nos articles !
Photo souvenir avant d’entreprendre la descente.

Après cet échange sympathique, et quelques photos, nous reprenons notre route. Nous trouvons assez rapidement la piste de sortie et nous entamons la longue descente vers Varces par un bon et spectaculaire sentier. Avec l’étonnante chaleur de ce début avril, nous sommes assoiffés, la source au bord du sentier, est la bienvenue. Nous terminons la descente tout en papotant. Seul échec de la journée : la recherche d’un bar pour le pot traditionnel, malgré nos efforts, sera infructueuse. Étrange époque où il est plus facile de trouver un itinéraire dans des barres de falaise imposantes que de trouver un bar.

Enfin un sentier !
Une source bien venue.
Et même quelques passages dans une gorge impressionnante.
La descente est longue mais réserve de beaux passages.

En résumé, un itinéraire certes, à ne pas mettre entre toutes le mains, mais la sortie la plus sauvage, spectaculaire, vertigineuse et improbable qui soit. Je n’ai peut être jamais circulé aussi longtemps (sur plus de 1000m de dénivelé) dans un environnement aussi hostile, complexe, raide, sans passage évident ni traces hormis celles des chamois.

Mais le plus surprenant, c’est que non seulement je n’ai pas été conspué, mais l’équipe s’est révélée motivée, gaie, solidaire, efficace et malgré les difficultés (physiques comme techniques) cette journée s’est déroulée dans une atmosphère joyeuse et amicale, comme le Gan sait le faire.

Dénivelé : 1200m (environ)
Distance : 9km

Les participants (par ordre d’inscription): Monique, Patrice, Fred, Yves D, Tony, Elizabeth T, Marc J, Agnes B, Daniel, Stéphanie, Diego, Alain D et Jacky.

Et les photos de tout le monde.
Jacky Estublier.